SAMEDI 28 SEPTEMBRE À 17 H,

AU CHÂTEAU DE GAUJAC (11200 LÉZIGNAN-CORBIÈRES)

YVES LE PESTIPON INVITE RENÉ CHAR POUR UNE EXPLICATION DE TEXTE DE SON POÈME « LA SORGUE », extrait du recueil Fureur et Mystère.

Entrée libre et gratuite. Apéritif de clôture.

 » René Char est un poète qui réunit autour d‘une solitude. Il a choisi en tout la poésie, qui est pour lui une grandeur active. Il ne s’est pourtant pas exilé, loin des hommes, vers des dieux. Il a participé à leurs combats, à leur vie, qu’il a su accompagner et aimer, tout en créant une sereine distance. Cet homme est un mystère, comme tout homme, et sa fureur est une puissance calme et bonne, comme celle de la Sorgue, cette « rivière au cœur jamais détruit dans ce monde fou de prison ».
À nous de vivre avec ce cœur. » (Yves Le Pestipon).

René Char

La Sorgue

Chanson pour Yvonne

Rivière trop tôt partie, d’une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.

Rivière où l’éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d’oubli la rocaille de ma raison.

Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.

Rivière souvent punie, rivière à l’abandon.

Rivière des apprentis à la calleuse condition,
Il n’est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.

Rivière de l’âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l’ormeau, de la compassion.

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s’acoquiner au menteur.

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l’angoisse autour de son chapeau.

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu’elles refusent à la mer.

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l’ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l’horizon.

René Char, extrait de Fureur et mystère, 1948, © Éditions Gallimard

Yves Le Pestipon est né en 1957. Il est poète, performer et théoricien de la littérature, ancien élève de l’ENS (Saint-Cloud), agrégé des lettres, est actuellement professeur de Première Supérieure (Khâgne) à Toulouse. Il est notamment l’auteur d’une thèse sur les relations de pouvoir dans l’œuvre de La Fontaine et d’articles consacrés aux Fables, dont il a aussi établi une. Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles. Tenant de la poésie orale, il participe à de nombreux événements littéraires à Toulouse et dans sa région. En 2014, il publie Oublier la littérature ?, un essai tente d’explorer le paysage contemporain de la littérature, en revisitant d’abord l’histoire de cette notion. Par ailleurs, il a collaboré à plusieurs films documentaires, ainsi : une série Le Bestiaire des Pyrénées (France 3), Grothendieck, sur les routes d’un génie (K productions, 2013).

Bibliographie sélective :
– Des lettres anonymes, Éd. Clapotements, 2011.
– Je plie mais ne romps pas, Essai de lecture ininterrompue du livre I des Fables de La Fontaine, Presse Universitaires de Rouen 2011.
– Fables de La Fontaine, édition critique par Yves Le Pestipon, (GF Flammarion, 2016 et 2017)
– Oublier la littérature ? (Éd. Rue des gestes, 2013).